Plongée dans l’humanité des soins palliatifs : témoignage d’une future kinésithérapeute

Les soins palliatifs évoquent souvent la douleur, la fin de vie, et la tristesse. Pourtant, derrière cette image sombre se cache une réalité humaine profondément touchante, faite de solidarité, de bienveillance et de soins individualisés. Célestine Machado, étudiante en quatrième année au CEERRF et stagiaire à l’hôpital Jean-Jaurès à la Porte de Pantin, nous livre un témoignage sincère et éclairant sur son expérience dans ce service souvent méconnu.

Une vocation en devenir : rencontre avec Célestine

Célestine Machado suit sa formation de kinésithérapeute au Centre Européen d’Enseignement en Rééducation et Réadaptation Fonctionnelle (CEERRF). Elle effectue son alternance dans un service de soins palliatifs, un environnement peu fréquenté par les jeunes professionnels du mouvement. Dès les premiers mots, elle témoigne d’une expérience aussi marquante qu’enrichissante.

Ce qui l’a frappée en premier lieu, c’est l’atmosphère soudée et étonnamment chaleureuse de l’équipe soignante. « Je m’attendais à ce que toutes les discussions soient tournées vers la mort, que ce soit morose et triste… mais pas du tout. C’est bien plus joyeux que ce qu’on s’imagine. »

Dans un univers où la douleur et la fin de vie sont omniprésentes, la solidarité entre les soignants, la proximité avec les patients et le soutien des familles créent une bulle de douceur, une forme de cocon, comme elle le décrit avec tendresse.

Les soins palliatifs : un cocon humain, pas un lieu de deuil

Loin des représentations négatives souvent véhiculées, Célestine insiste sur la qualité des relations humaines qu’elle a pu développer dans ce service. Le rapport aux patients, bien que respectueux et professionnel, est marqué par une proximité émotionnelle importante.

« On n’est pas familiers, il y a une distance, mais on est dans un cocon. On est là pour soulager les patients à chacun sa hauteur et ses champs de compétence. »

Cette approche interdisciplinaire est au cœur de l’accompagnement palliatif. Tous les professionnels de santé — médecins, infirmiers, psychologues, aides-soignants, kinésithérapeutes — collaborent au quotidien, dans une dynamique de soins centrée non pas sur la guérison, mais sur le soulagement et la qualité de vie.

Un apprentissage émotionnel difficile mais nécessaire

Si cette immersion fut riche humainement, elle n’a pas été de tout repos. Célestine évoque sans détour les difficultés émotionnelles auxquelles elle a été confrontée. « J’ai été mal à l’aise face aux patients qui avaient l’âge de mes parents. »

Travailler avec des patients en fin de vie, parfois jeunes, confronte les soignants à leur propre vulnérabilité, à leurs peurs, et à leurs histoires personnelles. La difficulté principale, pour elle, fut de trouver la juste distance émotionnelle. Trop proche, on risque de souffrir ; trop éloigné, on devient insensible. Trouver l’équilibre entre empathie et protection de soi est un défi constant.

Changer de regard sur la kinésithérapie

Son expérience a également transformé sa perception du métier. « J’ai appris que le kinésithérapeute n’était pas juste là pour guérir. » Dans le cadre palliatif, le kiné n’intervient pas pour restaurer une fonction à long terme, mais pour répondre à un besoin immédiat, pour soulager, pour accompagner un geste simple comme s’asseoir dans un fauteuil. Il ne s’agit plus de progression ou de performance, mais d’écoute, de confort, de dignité.

Cette bascule dans la temporalité du soin est un changement fondamental pour de nombreux professionnels formés dans une logique de performance fonctionnelle. Ici, l’instant présent prime sur la trajectoire.

Plongée dans l’humanité des soins palliatifs - témoignage d’une future kinésithérapeute
Plongée dans l’humanité des soins palliatifs - témoignage d’une future kinésithérapeute

Le rôle du kinésithérapeute en soins palliatifs

Concrètement, le rôle du kinésithérapeute en soins palliatifs est de soulager les inconforts physiques, d’aider le patient à mobiliser ce qu’il peut encore mobiliser, sans jamais forcer, ni projeter des attentes inaccessibles. Chaque geste est guidé par les capacités du patient et ses désirs.

« On montre aux patients ce qu’ils savent faire, ce qu’ils sont capables de faire, et on améliore ce qu’ils savent déjà faire. » Cette approche valorisante est essentielle dans un contexte où les pertes d’autonomie sont fréquentes et parfois brutales. Grâce à des techniques comme le massage, la relaxation ou la mobilisation douce, le kinésithérapeute peut redonner un peu de bien-être, réduire les douleurs physiques, mais aussi apaiser les tensions psychiques.

Un autre aspect fondamental de ce rôle est la communication interdisciplinaire. Célestine souligne l’importance de faire exister le patient dans chaque spécialité : « On communique aux autres professionnels de santé. C’est important de faire exister le patient à travers toutes les professions. »

Un engagement humain fort

Pour celles et ceux qui souhaitent s’orienter vers cette voie, Célestine livre un message à la fois lucide et encourageant : « Il faut être préparé au niveau des émotions… mais il ne faut pas non plus s’auto-flageller si on ressent beaucoup. C’est normal. On reste humain, et c’est aussi ce qui fait la qualité de nos soins. »

Elle rappelle que l’empathie n’est pas une faiblesse, mais une qualité essentielle pour un soin de qualité. La capacité à ressentir, à écouter, à comprendre ce que vit l’autre, tout en gardant une certaine distance protectrice, est une compétence précieuse.

Et à celles et ceux qui hésitent ? « Qu’il ou elle fonce ! »

Vers une meilleure reconnaissance de la kinésithérapie en soins palliatifs

Le témoignage de Célestine met en lumière un champ encore peu connu de la kinésithérapie. Trop souvent associée uniquement à la rééducation motrice ou à la performance physique, la discipline prend ici une dimension humaine, émotionnelle et éthique essentielle. Elle montre que le soin peut aussi être un acte de présence, de respect et de confort, sans forcément viser un progrès mesurable.

Dans une société où l’on parle de plus en plus de soins centrés sur le patient, de qualité de vie, et de dignité jusqu’à la fin, l’intégration du kinésithérapeute dans les équipes de soins palliatifs devrait être renforcée, encouragée et valorisée. Les formations initiales et continues devraient mieux préparer les futurs professionnels à ces dimensions spécifiques, et favoriser les stages dans ces environnements si humains.

Conclusion : une leçon d’humanité

L’expérience de Célestine Machado nous rappelle une chose essentielle : au cœur du soin, il y a l’humain. En soins palliatifs, chaque geste, chaque parole, chaque présence prend une signification particulière. Là où la médecine cesse de promettre la guérison, elle peut encore offrir la présence, le soulagement, l’écoute et la dignité.

La kinésithérapie, dans ce contexte, devient un acte de tendresse autant que de technique, une forme de soutien à la vie jusque dans ses derniers instants. Grâce à des jeunes professionnels comme Célestine, sensibles, lucides et engagés, cette approche peut continuer à se développer et à apporter du réconfort à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

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