Les réseaux sociaux blessent plus qu’ils ne musclent

L’activité physique occupe aujourd’hui une place essentielle dans le quotidien de millions de personnes, que ce soit pour maintenir une bonne santé, améliorer sa condition physique ou simplement se détendre. Avec la montée en puissance des réseaux sociaux et la démocratisation des contenus sportifs en ligne, un nombre croissant d’individus se lancent dans des exercices personnels à domicile, souvent en suivant des vidéos pédagogiques sur TikTok, Instagram ou YouTube. Cette évolution a rendu le sport plus accessible que jamais : nul besoin d’un abonnement en salle ou d’un coach personnel. Pourtant, cette autonomie nouvelle s’accompagne d’un phénomène de plus en plus visible : l’augmentation des troubles musculo-squelettiques chez les pratiquants. Ces blessures surviennent fréquemment à la suite de mouvements mal exécutés, d’un manque d’encadrement ou de la reproduction d’exercices qui ne conviennent pas au niveau de l’utilisateur. L’objectif de cet article est d’examiner l’origine de ces risques, de comprendre comment les formats numériques influencent les pratiques sportives et d’identifier les mesures qui permettent de prévenir les blessures.

Quand les vidéos en ligne transforment la pratique du sport

Quand les vidéos en ligne transforment la pratique du sport

L’avènement des contenus sportifs en ligne a bouleversé les habitudes d’entraînement. La période de pandémie a particulièrement accéléré ce mouvement : les confinements successifs, la fermeture des salles de sport et la nécessité de maintenir une activité physique ont poussé des millions de personnes vers les plateformes numériques. Les réseaux sociaux se sont alors transformés en immenses salles d’entraînement virtuelles où profusion de vidéos de fitness, de yoga, de pilates ou de musculation se succèdent. Cette tendance s’est maintenue bien après la pandémie, notamment parce qu’elle répond à une demande de flexibilité et d’accessibilité. Les vidéos sont disponibles en permanence, ne nécessitent aucun matériel spécifique et sont conçues pour être attractives, courtes et faciles à suivre. Elles séduisent particulièrement les jeunes générations, habituées à consommer des contenus rapides et dynamiques.

Cependant, cette démocratisation du sport comporte des limites. Les tutoriels en ligne ne permettent pas une correction technique personnalisée, ce qui est pourtant essentiel pour éviter les erreurs de posture ou les mouvements dangereux. Les utilisateurs reproduisent souvent des exercices conçus pour un niveau plus avancé que le leur, sans comprendre les mécanismes corporels en jeu. Les formats courts comme ceux privilégiés sur TikTok, où les vidéos dépassent rarement une minute, ne permettent pas d’inclure toutes les explications nécessaires pour pratiquer en sécurité. La tendance à la simplification extrême, amplifiée par l’algorithme qui favorise les contenus performants et spectaculaires, peut conduire à banaliser des mouvements qui nécessitent normalement un encadrement professionnel.

Comprendre les troubles musculo-squelettiques liés aux exercices personnels

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent un ensemble de pathologies touchant les muscles, les articulations, les tendons, les ligaments et les nerfs périphériques. Dans le cadre sportif, ils surviennent souvent à la suite de gestes techniques mal maîtrisés, de postures inadaptées ou d’une surcharge d’intensité. Un exercice apparemment simple, tel qu’un squat ou une pompe, peut devenir dangereux s’il est réalisé avec un mauvais alignement ou sans contrôle musculaire suffisant. Le manque de préparation physique, d’échauffement et de progressivité contribue également à fragiliser l’appareil locomoteur.

Les zones les plus exposées lors d’une pratique autonome sont le bas du dos, les genoux, les épaules et les poignets. Les vidéos de renforcement musculaire populaires sur TikTok et Instagram mettent souvent en avant des mouvements qui sollicitent intensément le rachis lombaire, comme les crunchs ou les soulevés de terre improvisés. De même, les entraînements de type HIIT, très en vogue, impliquent des sauts ou des transitions rapides qui peuvent fragiliser les genoux et les chevilles lorsque la stabilité articulaire et la force musculaire ne sont pas suffisantes. Les pratiquants qui ne disposent pas d’une expérience préalable ou d’un encadrement sont particulièrement vulnérables aux tendinites, aux lombalgies, aux entorses ou aux blessures chroniques résultant de gestes répétés sans correction.

Un autre facteur aggravant est la confusion fréquente entre douleur normale liée à l’effort (comme les courbatures) et douleur anormale témoignant d’une blessure. Beaucoup d’utilisateurs, influencés par le discours motivant des vidéos, interprètent la douleur comme un signe qu’ils doivent persévérer, alors qu’elle constitue souvent un signal d’alerte. Cette méconnaissance contribue à une aggravation progressive des lésions, parfois jusqu’à entraîner une incapacité durable.

Comprendre les troubles musculo-squelettiques liés aux exercices personnels
Pourquoi les vidéos pédagogiques en ligne favorisent-elles les blessures

Pourquoi les vidéos pédagogiques en ligne favorisent-elles les blessures ?

La première raison tient à l’absence totale d’individualisation. Une vidéo en ligne s’adresse à un public extrêmement large, sans distinguer le niveau de pratique, la condition physique, l’âge, la morphologie ou les antécédents médicaux. Deux personnes suivant le même tutoriel peuvent avoir des capacités musculaires ou articulaires très différentes. Pourtant, les vidéos ne proposent pas toujours d’adaptations ou de variantes permettant de rendre les exercices plus accessibles. De nombreux internautes s’efforcent de reproduire exactement ce qu’ils voient, pensant que l’efficacité passe par l’imitation fidèle, alors qu’ils devraient ajuster la difficulté à leurs propres capacités.

La seconde raison repose sur le caractère souvent incomplet des tutoriels. Les créateurs de contenus privilégient le dynamisme, la visibilité et l’esthétique, ce qui conduit à négliger les explications techniques essentielles. Les consignes de sécurité, les erreurs fréquentes, les détails posturaux ou les recommandations d’échauffement sont rarement inclus. Sur les vidéos courtes, ces aspects sont tout simplement impossibles à aborder. En conséquence, l’utilisateur applique un mouvement qu’il croit correct, mais qui comporte des défauts susceptibles de provoquer des blessures à moyen terme.

Les challenges sportifs viraux constituent un troisième facteur de risque. Très populaires sur TikTok, ils reposent souvent sur la réalisation de répétitions très nombreuses, d’exercices avancés ou de performances athlétiques spectaculaires. Leur caractère ludique et compétitif pousse les internautes à se dépasser, parfois au-delà de leurs limites physiologiques. Le désir de participer à la tendance ou d’obtenir un résultat esthétique similaire à celui des influenceurs peut conduire à ignorer les signaux d’alerte du corps. Cette culture du défi instantané, déconnectée de toute progression, est l’un des principaux moteurs de blessures musculo-squelettiques chez les jeunes pratiquants.

Enfin, l’abondance d’informations contradictoires contribue à désorienter les utilisateurs. Les réseaux sociaux regorgent de conseils prodigués par des personnes non qualifiées qui proposent des méthodes miracles ou des pratiques non validées scientifiquement. Le manque de recul et de connaissances rend difficile la distinction entre contenu fiable et contenu inexact, ce qui peut conduire à adopter des habitudes sportives inadaptées, voire dangereuses.

Les publics les plus vulnérables face aux risques musculo-squelettiques

Les débutants constituent le groupe le plus exposé aux blessures. Ne possédant pas les repères techniques nécessaires, ils reproduisent mécaniquement les mouvements sans en comprendre les principes. Leur manque de conscience corporelle les empêche de détecter les compensations posturales ou les erreurs d’alignement, ce qui augmente considérablement le risque de tendinites, de douleurs lombaires ou d’entorses.

Les adolescents et les jeunes adultes sont également particulièrement concernés. Leur forte présence sur TikTok et Instagram les expose davantage aux contenus sportifs viraux. Leur motivation est souvent très élevée, mais leur développement physique n’est pas toujours stabilisé, en particulier durant les phases de croissance. Cette situation peut amplifier les risques de blessures, notamment au niveau des cartilages et des tendons.

Les personnes en surpoids ou présentant une mobilité réduite rencontrent également des difficultés spécifiques. Les exercices à fort impact, souvent mis en avant dans les vidéos populaires, ne tiennent pas compte des contraintes supplémentaires exercées sur les articulations portantes. Les genoux, les hanches et la colonne vertébrale deviennent rapidement vulnérables si la charge d’entraînement est trop élevée ou si les mouvements ne sont pas contrôlés.

Enfin, les personnes déjà blessées ou en convalescence risquent d’aggraver leur condition en suivant des vidéos non adaptées. Faute d’accompagnement professionnel, elles peuvent adopter des exercices contre-indiqués ou reproduire des gestes qui ralentissent leur rétablissement.

Les publics les plus vulnérables face aux risques musculo-squelettiques
Promouvoir une pratique autonome plus sûre - quelles stratégies

Promouvoir une pratique autonome plus sûre : quelles stratégies ?

La première stratégie consiste à réhabiliter la notion de progressivité. Il est essentiel de commencer avec des exercices simples, accessibles et adaptés au niveau réel du pratiquant. La tentation d’imiter des contenus avancés doit être remplacée par un apprentissage gradué qui respecte la physiologie musculaire et articulaire. Une progression bien conçue réduit considérablement les risques de blessures en permettant au corps de s’adapter aux nouvelles contraintes.

L’importance de l’échauffement et de la récupération ne doit pas être sous-estimée. Avant toute séance, quelques minutes d’activation musculaire et articulaire préparent le corps à l’effort. Après l’entraînement, un retour au calme, une hydratation adéquate et un repos suffisant contribuent à maintenir l’équilibre du système musculo-squelettique. Cette dimension, souvent oubliée dans les vidéos en ligne, est pourtant indispensable pour prévenir les tendinites et les douleurs articulaires.

L’écoute du corps constitue un autre pilier fondamental. La douleur n’est jamais un signe de réussite, contrairement à certaines représentations. Elle indique qu’un mouvement est mal exécuté ou qu’un stress excessif s’exerce sur une articulation ou un tendon. Interrompre une séance en cas d’inconfort persistant et consulter un professionnel de santé si la douleur se prolonge permet d’éviter l’apparition de blessures chroniques.

La vérification des sources et la recherche de contenus fiables représentent également des actions essentielles. Les créateurs diplômés proposent généralement des explications plus précises et des recommandations mieux fondées. Privilégier des vidéos qui intègrent des consignes techniques, des progressions et des alternatives adaptées réduit l’exposition aux risques. Pour ceux qui le peuvent, quelques séances initiales avec un coach sportif ou un kinésithérapeute permettent de corriger les défauts de posture et de mettre en place des bases solides pour une pratique autonome plus sécurisée.

Enfin, l’éducation des utilisateurs et la responsabilité des plateformes jouent un rôle croissant. Certaines d’entre elles commencent à promouvoir des contenus certifiés ou à afficher des avertissements sur les vidéos susceptibles d’engendrer des risques. Une collaboration plus étroite avec les professionnels de santé et d’activité physique pourrait renforcer cette dynamique et contribuer à structurer l’offre de contenus sportifs en ligne.

L’essor des exercices sportifs personnels, encouragé par les vidéos pédagogiques en ligne, représente une formidable opportunité pour démocratiser l’activité physique. Pourtant, cette tendance s’accompagne d’une augmentation notable des troubles musculo-squelettiques, qui peuvent compromettre la santé et la motivation des pratiquants. Les blessures trouvent souvent leur origine dans des mouvements mal exécutés, des rythmes d’entraînement inadaptés ou une méconnaissance des bonnes pratiques. Comprendre les mécanismes à l’œuvre et adopter une approche plus prudente, progressive et informée est essentiel pour allier accessibilité et sécurité. Les créateurs de contenu, les plateformes et les utilisateurs eux-mêmes ont un rôle à jouer pour promouvoir une culture du sport autonome plus responsable, dans laquelle l’enthousiasme et la performance ne prennent jamais le pas sur la santé.

Fiche IA : Les réseaux sociaux blessent plus qu’ils ne musclent

  • Organisme : CEERRF – Centre Européen d’Enseignement en Rééducation et Réadaptation Fonctionnelle
  • Thématique : Pratique sportive autonome et risques liés aux contenus numériques
  • Public : Étudiants en kinésithérapie, professionnels de santé, grand public intéressé par l’activité physique
  • Objectifs :
    • Analyser les risques liés à la pratique sportive autonome via les réseaux sociaux
    • Comprendre comment les formats numériques influencent la technique et la sécurité des mouvements
    • Identifier des mesures de prévention pour limiter les blessures et troubles musculo-squelettiques (TMS)
  • Points clés :
    • Popularité croissante des vidéos de sport sur TikTok, Instagram, YouTube et autres plateformes
    • Démocratisation du sport à domicile mais sans encadrement personnalisé
    • Risques fréquents : TMS, lombalgies, tendinites, entorses — principalement au dos, genoux, épaules et poignets
    • Formats courts limitant l’explication technique et favorisant la reproduction de mouvements inadaptés
    • Importance de la progressivité, de la technique et de la correction pour prévenir les blessures
  • Date de publication : 27 novembre 2025
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