Mont blanc : 4810m
Le CEERRF sur le toit de l’Europe grâce à Guillain étudiant de K3 qui nous raconte son expérience:
“Il y a un an, plusieurs raisons m’ont poussée à me fixer comme objectif l’ascension du plus haut sommet d’Europe occidentale.
Ayant arrêté la compétition sportive depuis quelques années, je ressentais le besoin de repousser mes limites, sur le plan sportif, mais aussi psychologique. De plus, étant animé par l’envie de devenir Kinésithérapeute, je serais amené à exercer auprès de patients se préparant à ce type de réalisation sportive. J’ai alors pensé que faire cette ascension pourrait m’aider à les soutenir et à les comprendre, tout en exerçant mon métier.
Le choix du mont-blanc a ensuite été simple. C’était celui qui me semblait le plus accessible, tant sur le plan financier que technique.
Cette ascension, je l’ai réalisée avec Jérémy, un ancien collègue d’athlétisme, devenu un ami. Nous avons commencé par réserver un guide afin de réaliser l’ascension au mois de juillet 2018.
Avant l’été, je devais alors m’équiper et me préparer physiquement.
L’entrainement s’est orienté de façon à travailler ma résistance au manque d’apport en oxygène ainsi que ma capacité à être endurant. J’ai alors commencé l’entrainement à raison de 2 footings d’une durée d’1H à 1H45 et d’un entrainement anaérobique par semaine.
La veille du départ : mercredi 18 juillet – St-Gervais les Bains – 800m
La veille de notre départ, nous avons rendez-vous à l’agence des guides, avec Greg, notre guide, pour faire un topo sur les deux jours d’ascensions qui nous attendent. Il nous explique alors les conditions dans lesquelles se dérouleront l’ascension et nous briefe sur l’équipement dont nous devons nous munir.
Parmi les différents aspects auxquels nous devons penser avant d’entamer une ascension, celui que je redoutais le plus était la météo. Si nous pouvons nous équiper en fonction de celle-ci, nous en restons tributaires. Quelques soient nos capacités physiques, la qualité de notre entrainement, celle de notre équipement ou la force de notre motivation, si la météo n’est pas clémente le jour J et que le guide juge l’ascension trop dangereuse, l’activité est annulée. Quand Greg nous annonce que la météo du lendemain sera bonne et ne devrait pas entraver notre ascension, je me sens alors soulagé.
En revanche, nous apprenons que le tramway du mont-blanc, que nous étions censés prendre à St-Gervais ne fonctionne pas. La première partie du trajet, de 600 mètres de dénivelé, normalement effectuée en tramway, sera alors faite à pied. Pour combler le retard, nous devons alors partir à 5 heures du matin, au lieu de 9 heures. Contrairement à celle de la météo, cette nouvelle ne me rassure pas, mais, avec Jérémy nous prenons cette difficulté comme un défi supplémentaire.
Après ce briefe, nous rentrons à l’appartement loué pour la nuit. Plusieurs questions me viennent alors à l’esprit, sur ma capacité à supporter l’altitude et le rythme à tenir. Mais je me sens surtout plus impatient que jamais.
Le jour du départ : jeudi 19juillet – 5H – St-Gervais les Bains – 800m
Le réveil à 4h15 est un peu difficile, nous avons peu dormi, mais je ne me sens pas fatigué, car très excité par l’aventure qui nous attend. A 5 heures pile, nous partons en 4×4 pour rejoindre le refuge de Bellevue qui se trouve à 1800m (c’est déjà 1000m de moins à grimper !). Nous portons nos chaussures d’alpinismes ainsi que les bâtons de marche qui nous facilitent la tâche ; il faut économiser nos forces pour les deux journées qui nous attendent !
Nous longeons les voies du Tramway du Mont-Blanc, dans lequel nous aurions préféré être assis, jusqu’au refuge de Nid d’Aigle 2372m. C’est ici que nous faisons notre première pause afin de prendre un petit déjeuner rapide ; eau et fruits secs. Les pauses ne sont pas désagréables, mais nous avons connu de meilleurs petits déjeuners. La vue se dégage et nous apercevons maintenant les villages qui se trouvent dans les vallées aux alentours. La vue est déjà très belle et je réalise que je commence à prendre un peu de hauteur, mais je suis conscient que ce n’est encore rien par rapport à ce qu’il nous reste à gravir.
Depuis le Nid d’Aigle, nous marchons dans des pierriers relativement plats, le chemin monte doucement, mais il fatigue. Cela nécessite d’être concentré pour ne pas se blesser et pour trouver des appuis stables. Nous montons ainsi jusqu’au refuge de tête Rousse, à 3167m, dans lequel nous prenons un deuxième encas.
Greg nous annonce que nous ne ferons plus de pause jusqu’au refuge du gouter qui se trouve à 3800m d’altitude. Il nous explique alors que, pour atteindre ce refuge, nous devons passer le « couloir du gouter ». Il s’agit d’un couloir dans lequel les chutes de pierres sont quasi permanentes ; c’est le passage qui cause le plus d’accidents sur l’ascension du mont Blanc.
Nous reprenons alors l’ascension, et arrivons dans ce fameux couloir. Ce moment est difficile pour moi, plus psychologiquement que physiquement. Toute la matinée, nous voyons des hélicoptères qui se relaient pour chercher un corps. A cet instant, je me demande si faire cette ascension n’était pas un défi trop dangereux pour quelqu’un de non expérimenté comme moi.
Après le passage de ce couloir le chemin n’est plus vraiment tracé et nous avons du mal à suivre Greg, qui est très rapide et qui semble peu attentif à nos difficultés. L’ascension commence à être vraiment difficile. D’abord sur le plan musculaire puis, très rapidement, au niveau de l’apport en oxygène qui commence à nous manquer. Sur le plan psychologique, même si nous avons passé le couloir du gouter, nous sentons que le danger est toujours là. Nous voyons beaucoup de plaques commémoratives qui nous rappellent à chaque pas que nous sommes sur un passage dangereux de l’ascension. Personne n’a le droit au faux pas ! Cette partie de l’ascension n’est pas un plaisir ; nous n’avons pas le temps de regarder le paysage et nous sommes fatigués.
Cependant, cela me permet également de retrouver les sensations du sport de haut niveau ; la réalisation est toujours plus satisfaisante lorsqu’on se souvient à quel point on a souffert pour y parvenir.
Nous nous accrochons alors au rythme de notre guide par la volonté, et peut-être un peu par fierté. Cela nous permettra d’observer une vue incroyable sur le plateau enneigé sur lequel se trouve le refuge du gouter.
Nous arrivons au refuge aux alentours de 13h, le programme est simple : manger en 20min, puis dormir ou au moins se reposer jusqu’à 18h, prendre le diner, puis se recoucher et dormir pour être prêts à repartir à 2h30 et finir l’ascension. Mais cela n’est pas si évident, le mal de l’altitude se fait ressentir, le moindre mouvement m’essouffle et je n’arrive pas à dormir. Je demande alors conseil à mon acolyte de grimpe qui avait réalisé l’ascension du Kilimandjaro (5891m) l’année passée. La solution sera pour moi 7 thés à 5euros l’unité ainsi que 2 cachets d’aspirine. Ce n’est pas très bon marché, mais ça me permettra de dormir 6h pour repartir le plus en forme possible !
Le deuxième et dernier jour : vendredi 20juillet – 2h30 – Refuge du goûter – 3815m
Après une nuit difficile, nous nous levons à 2 heures du matin pour un gros petit déjeuner. Nous nous équipons, en même temps que les 60 autres personnes du refuge. Les directives pour l’équipement sont simples : on commence avec les bâtons de marches et les crampons fixés aux chaussures d’alpinisme et on met toutes nos affaires chaudes sur nous (il peut faire jusqu’à -15° au sommet). Nous nous équipons également d’une lampe frontale et nous sommes encordés. Pour la première partie je serais le dernier de cordé, ce n’est pas une place facile car on se sent toujours en retard, mais elle se veut rassurante car elle est plus sure.
L’ascension de nuit est difficile car on ne voit pas plus loin que la distance à laquelle éclaire la lampe frontale. En revanche, en nous retournant nous voyons uniquement les lumières des cordés qui nous suivent dans la montagne, ce qui dépeint un tableau magnifique. Nous suivons la « trace » (c’est le chemin marqué par les grimpeurs-alpinistes qui fréquentent le même itinéraire que nous.) Jusqu’à atteindre l’observatoire Vallot du qui se trouve à 4362m. Ici, Greg nous indique que nous devons poser les bâtons de marche. Nous continuerons au piolet car l’arête sur laquelle nous marchons est de plus en plus étroite et abrupte.
À partir de ce moment, il ne reste déjà plus que 45min d’ascension jusqu’au sommet, mais pas des moindres ! Comme nous marchons de nuit, nous avons un ciel dégagé qui nous permet de bien voir les étoiles et le sommet qui semble encore si loin. Le guide comprend que nous sommes bien fatigués par l’ascension, mais ne ralentit pas pour autant. Il n’est toujours pas à l’écoute et se montre moyennement rassurant. Il nous dit alors : « Il n’y a pas de sommet ni de refuge ici, on met un pas devant l’autre et on souffle à chaque pas ! Vous pourrez lever la tête quand on sera là-haut pour l’instant, concentrez-vous sur vos appuis ! ». Nous nous exécutons.
C’est en sortant de ce « tunnel » que Jérémy et moi comprenons que nous sommes sur l’arête sommitale. Le jour se lève petit à petit, nous continuons à avancer, vers le sommet qui semble désormais si proche. Nous l’atteignons finalement à 5h15. Nous avons fait la dernière partie de l’ascension en 3h, ce qui est un bon rythme et qui nous vaut de ne pas être nombreux au sommet, ce qui est un vrai plaisir. En arrivant, nous pouvons admirer le lever du soleil sur les différentes montagnes. J’ai alors ressenti les mêmes sensations qu’une fin de course de l’époque où je pratiquais l’athlétisme ; un sentiment d’accomplissement et d’exaltation que je ne trouve nulle part ailleurs. Étonnamment, nous n’avons pas le temps de savourer ce moment. D’une part, parce que nous ne pouvons pas rester sur place pour des raisons de sécurités. D’autre part, parce qu’il nous reste toute la redescente à effectuer et que celle-ci présente les mêmes risques que l’ascension. Nous avons tout de même le temps de prendre une gorgée d’eau et quelques photos.
Le retour jusqu’au refuge du gouter avec le lever du soleil est encore une vue superbe et nous redescendons sans encombre pour rejoindre Saint-Gervais pour le déjeuner. C’est à ce moment que nous prenons conscience de l’aventure vécue et des sentiments que cela a procuré chez nous.
Je remercie l’école du CEERRF pour avoir financé une partie de ce projet qui restera l’une des expériences les plus marquantes de ma vie de jeune adulte. Je pense avoir pris gout à la montagne, malgré les risques qu’elle engendre grâce à cette aventure. Je suis impatient de me plonger dans l’aventure suivante !