Focus sur notre formateur : Philippe GUIET

Philippe GUIET

Le CEERRF met en place une nouvelle actualité par mois, il s’agit d’un focus sur ses formateurs, leur expertise ou l’un de leurs travaux qui sont ici partagés et portés à votre connaissance.

Après des études au CEERRF, Philippe GUIET devient masseur-kinésithérapeute en 1995. Formateur dans notre institut depuis 23 ans, il reste toujours praticien hospitalier en parallèle : centre de rééducation puis services hospitaliers, ainsi que consultations externes.

A… de l’« Apprendre » au « faire-Apprendre »

Il enchaîne par un cursus en ostéopathie à la Maison de la Thérapie Manuelle, dont les six années vont orienter son identité technique. Travaillant près de dix ans à l’hôpital Percy de Clamart, ce double cursus réalise une utile combinaison technique dans son abord des patients musculo-squelettiques. S’en suivent des formations post-grades en structurel et SOT Dejarnette qui vont modifier son approche des patients en facilitant leur catégorisation. Il soutient un diplôme d’ostéopathie (DO) en 2004. L’envie d’affiner sa pratique, des structures les plus denses aux plus souples, se nourrira d’autres post-grades : grossesse, embryologie, crânio-rachidien, tissulaire…

Il s’implique dans l’accueil des stagiaires sur Percy (environ 60 stagiaires par an) en y développant un programme de topos hebdomadaires en lien avec les pathologies rencontrées sur place. Ce planning d’actions d’enseignements se verra complété par un de ses collègues de l’époque : Arnaud Cérioli. Il devient également jury du diplôme d’état (épreuve pratique à l’époque) à compter de 1998. Le CEERRF lui ouvre ses portes pour un premier cours en formation initiale en 1999.

B… du « faire-Bouger » au « Bouger »

Arrivé sur l’hôpital Bégin de Saint Mandé en 2006, il y poursuit ses consultations de patients externes douloureux aiguës ou sub-aiguës à côté de la prise en charge des patients hospitalisés. Il continue à se former : DU en anatomie appliquée à l’examen clinique et à l’imagerie, posturologie, thérapie neuro-dynamique, blessures en course à pied, MDT McKenzie, processus du raisonnement clinique (MOOC), cervicalgie (Falla), entretien motivationnel, acouphènes, épaule (Gibson), concept Mulligan, etc.…

« Je reste impressionné par l’impact qu’ont certains apprentissages sur nos pratiques. L’ostéopathie a nourrie mon exercice dans sa construction post-DE. L’approche McKenzie l’a profondément restructuré. La neuro-dynamique, les conceptions récentes cervicale, d’épaule ou le concept Mulligan l’ont complété. Mais si je prends l’exemple de l’entretien motivationnel : cela a modifié jusqu’à certains détails comme ma manière d’aborder un patient dans un lit d’hôpital, de gérer la porte de sa chambre en sortant (proposer-fournir) ou même de disposer mon tabouret et la chaise d’un patient reçu en consultation ! Il y a des éléments qui nous construisent plus que d’autres, et c’est toujours impressionnant. Un “apprentissage” ne s’entend-il pas comme “à prendre pour soi en tissage” (Cochet) ? »

Un master en sciences de l’éducation entre 2006 et 2008 éclaires le champ de l’enseignement autant que celui de l’éducation à la santé. Le rôle du patient dans sa rééducation, avec ses représentations et croyances, se révèle central. Le rôle des représentations des étudiants et de leur élaboration l’est tout autant en formation (publications). Il continue de se former sur la ré-ingénierie de la formation MK puis sur la supervision du raisonnement clinique (MOOC). Il enseigne également à l’ENKRE à Saint Maurice depuis 2009 et à l’IFMKEF à Meaux depuis 2020.

C… Circumnavigation.

« Visiter, appréhender et pratiquer ce que les formations initiales puis continues apportent façonne petit à petit une pratique en perpétuelle évolution. Il s’agit d’un grand écart mouvant qui ambitionne d’établir un pont entre la construction d’une pratique normée et fidèle, reproductible et partagée, d’une part ; et l’irrésistible nécessité de bâtir une synthèse intégrant toutes ces influences, de manière plus personnelle, d’autre part. Mais l’achèvement de cette construction reste illusoire. Il ne semble jamais vraiment possible de s’arrêter au fil de ce voyage. Croire être arriver, penser saisir une grande partie des arcanes cliniques : et déjà la brume efface le paysage que l’on croyait saisir ! Reconnaître (au sens d’admettre), voire cultiver, le doute s’impose au fil du voyage. »

circumnavigation

3D !

Dessin Guiet

D… Dessin.

« Le dessin a fait partie de ma vie bien avant que je ne débute mes études de kiné. Entre 1992 et 1994, je m’étais amusé à faire des caricatures de nos profs de K1 et K2. Caricatures que le BDE de l’époque avait produit en calendrier. Le dessin permet d’appuyer facilement la compréhension pour l’apprentissage de notre métier. Cela dit, mieux vaut un dessin fait en direct afin d’éclairer sa construction devant les élèves, plutôt qu’une superbe image d’emblée affichée finalisée sur un diaporama. »

D… Didactique.

« Si l’on enseigne quelque chose à quelqu’un, on forme quelqu’un à quelque chose” (Reboul). Les trois relations du triangle didactique s’imposent pour être toutes explorées : la relation d’apprentissage entre formé et savoir, la relation pédagogique entre apprenant et formateur et la relation didactique entre savoirs et enseignant.

La construction des représentations d’une stratégie thérapeutique ou d’un phénomène (mécanique ou autre…) dans la tête de chacun est passionnante. Et si le dessin composé en direct est un plus pour ceux qui ont une conception visuelle, il a ses limites pour les autres. Et c’est là que le jeu didactique se montre captivant : quels mots, quelles comparaisons, quelles voies d’accès au cerveau de l’apprenant (image, phrase, mîmes, modélisme, etc.) ? Bref, c’est, pour moi, là que réside ce qui me passionne dans notre métier de formateur.

L’apprentissage nécessite un transfert des savoirs étudiés : avec un transport et une transformation de ceux-ci par les formés (Genthon). Les savoirs enseignés ne suivent pas forcément le chemin du chercheur (dépersonnalisation) et doivent être parfois extraits de leur environnement épistémologique pour être désynthétisés afin de permettre leur reconstruction (Joshua & Dupin).

Reste à ces objets de savoir à trouver une place cohérente pour survivre au sein des corpus de chacun, en compétition écologique avec d’autres apprentissages face auxquels ils seront en dominance, coopération, évitement, abandon (Rajoson). La propriété biodégradable des nouveaux savoirs prévient le risque de construction de nouveaux dogmes, assurant de possibles déconstructions et recyclages futurs dans l’élaboration et l’évolution des modèles de chaque futur kiné (modèle allostérique de l’apprentissage, Giordan). Cette transposition des savoirs, savoirs-faire, et savoirs-être pour qu’ils deviennent des expériences intimes et propres à chacun se révèle un pari passionnant.»

D… Doute.

« Savoir faire évoluer ses connaissances et ses pratiques en intégrant les évidences probantes est capitale. Il demeure tout aussi capital d’être capable de reconnaître l’incertitude quand elle se présente dans sa pratique. Éveiller les futurs professionnels au doute me semble une nécessité pour laisser une place à l’humilité dans leur posture professionnelle, et peut-être susciter la modestie nécessaire à l’exercice d’une profession qui ambitionne de guider l’humain sur des chemins de sa rééducation. »

  • COCHET Hervé. Apprentissage : à prendre en soi pour en tissage (Journées internationales sur la motricité cérébrale, Le Kremlin-Bicêtre, 1998). La Motricité cérébrale n° 20. 1999 ; Paris : Masson.
  • GUIET Philippe. Contribution à la compréhension de la construction de représentations mentales anatomiques en formation initiale de masso-kinésithérapie. Kinésithér rev. 101. 2010 ; Issy-Les-Moulineaux : Elsevier-Masson.
  • GUIET Philippe. Spécificité des obstacles d’apprentissage du raisonnement clinique autour de la marche en formation initiale de masso-kinésithérapie et contribution didactique. Kinésithér rev. 117. 2011 ; Issy-Les-Moulineaux : Elsevier-Masson.
  • REBOUL Olivier. La philosophie de l’éducation. 1989 ; Paris : Presses Universitaires de France, Coll. Que sais-je ?
  • GENTHON Michèle. Lectures plurielles de l’apprentissage. En question : les cahiers de l’année 1996 (cahier n° 5). 1996 ;Aix-En-Provence : Université de Provence Aix-Marseille 1.
  • JOHSUA Samuel, DUPIN Jean-Jacques. Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques. 1993 ; Paris : Presses Universitaires de France.
  • RAJOSON Landy. L’analyse écologique des conditions et des contraintes dans l’étude des phénomènes de transposition didactique : étude de 5 cas. 1988 ; Université Aix-Marseille 2 : thèse.
  • GIORDAN André. Apprendre. 1998 ; Paris : Belin.